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Jusqu’ici, le bilan officiel ne signale pas des morts à Kinshasa le 20 mai et cette photo a été prise en Guinée

Un internaute a affirmé le 20 mai dernier sur son compte Twitter qu’il y a eu « deux morts d’après les indiscrétions de Limete », l’une des 24 communes de Kinshasa réputée pro Félix Tshisekedi, l’actuel Président de la République démocratique du Congo. En effet, deux marches ont été organisées à cette date dans la capitale congolaise, mais, attention : le bilan officiel ne dénombre aucun mort.

 

Ce tweet a été retweeté 77 fois le 21 mai 2023. Cette publication a touché plus de 20 000 abonnées sur ce compte Twitter.

Allégations : « Urgent ! D’après les indiscrétions de Limete, on dénombre déjà 2 tués par balles et 4 blessés graves ! Ne nous parlez pas de démocratie ! Please !».

 

Aucune information officielle confirmant qu’il y a eu deux morts

 

Les faits : Je me suis rendu sur la page Facebook de BBC News Afrique et je n’ai pas trouvé l’information selon la date du déroulement de la marche. En plus, aucune information relative à la RDC n’a été publiée par BBC News Afrique le 20 mai dernier.

Après les recherches sur Facebook, je me suis dirigé sur le compte Twitter de BBC News Afrique pour vérifier l’information. Je n’ai retrouvé aucune information sur la marche du 20 mai dernier de l’opposition à Kinshasa et aucune information relative à RDC en cette date.

J’ai fait un tour sur le compte Twitter d’Augustin Kabuya, secrétaire générale du parti Union pour la Démocratie et le Progrès social (UDPS), pour vérifier l’information. Ce dernier a plutôt félicité la Ligue des jeunes de son parti pour la réussite de la marche pour soutenir les institutions de la RDC.

Sur le compte Twitter de la Ligue des jeunes de l’UDPS, aucune information n’a été retrouvée.

Je me suis rendu par après sur le compte Twitter du ministre de la Communication et Médias également porte-parole du gouvernement Patrick Muyaya pour authentifier l’information. Il a publié une vidéo de 2 minutes 32 secondes où l’on voit le commissaire général adjoint chargé de l’administration, Sylvain Kasongo, dresser un bilan partiel de la marche de l’opposition tenue le 20 mai dernier à Kinshasa.

À l’en croire, il y a eu 9 personnes blessées dont 2 en état critique du côté de la Police nationale congolaise (PNC), 4 du côté des manifestants dont une journaliste, 14 personnes interpellées et un Sous-Ciat à Kianza saccagé.

#RDC : Aucune forme de violence n’est acceptable en démocratie. Autant manifester est un droit, autant le respect de l’ordre public et des forces de sécurité est une obligation pour éviter tout dérapage. Toutes les responsabilités doivent être établies. A ce stade, 3 policiers… pic.twitter.com/KAn2i7lqr6

— Patrick Muyaya (@PatrickMuyaya) May 20, 2023

D’après les leaders de l’opposition, il y a eu plus de 14 militants interpellés et 2 personnes blessées gravement qui sont entre la vie et la mort. Bilan dressé par Matata Ponyo au nom de l’opposition juste après la marche.

Il y a eu plusieurs blessés selon le bilan partial de la Police nationale congolaise et de l’opposition. Mais aucun mort signalé de deux côtés.

L’image utilisée n’a rien à voir avec la marche de l’opposition

J’ai fait une recherche par image inversée avec TinEye pour retracer le parcours de l’image utilisée par cet internaute sous sa publication. J’ai trouvé plusieurs résultats parmi lesquels un article du journal Le Monde qui a utilisé cette même image.

Ce journal précise que l’image a été prise à Conakry en Guinée en 2013 lors des heurts entre les militants du parti au pouvoir à l’époque et de l’opposition en moins d’une semaine des élections législatives.

 

Je ne me suis pas limité à ce niveau. Je me suis dirigé sur la barre de recherche de Google et j’ai entré «site:bbc.com “des incidents dimanche 22 septembre 2013 à Conakry”» comme mots clés. Et j’ai trouvé un article avec comme titre «Guinée : violences à Conakry» publié le 23 septembre 2013 avec une photo où l’on peut voir les mêmes personnes mais sous un autre angle avec des pneus brûlés.

« La manipulation sur les réseaux sociaux à l’approche des élections fait partie des stratégies qui sont murement réfléchies au cours des réunions des partis politiques mais il y a aussi des internautes lambda qui ne se posent pas la question avant de partager une information qu’elle soit falsifiée ou pas. Il est donc extrêmement important d’outiller les journalistes qui s’apprêtent à couvrir cette période sensible pour éclairer les électeurs au mieux avec une information de qualité », a commenté Ange Kasongo, spécialiste en Fact-checking.

Contexte : cette fausse information circule à la même date que la première manifestation organisée par quatre leaders de l’opposition dont Martin Fayulu, arrivé en deuxième position lors de la dernière présidentielle de 2018. Il y a plusieurs bavures policières au cours de cette journée dont une vidéo horrible montrant un enfant pris à partie par les policiers.

Choqué par les violences policières, y compris sur des enfants sans défense, et le climat de répression à la marche de l’opposition ce 20 mai à Kinshasa. Un État qui dénie à ses citoyens ses libertés fondamentales à la veille d’élections générales risque une dérive dictatoriale. pic.twitter.com/JSJ4m2vdGs

— Denis Mukwege (@DenisMukwege) May 20, 2023

La manifestation a été organisée pour dénoncer le processus électoral qu’ils qualifient de chaotique, la vie chère et l’insécurité dans l’est de la RDC malgré l’état de siège.

Les élections sont prévues en décembre 2023.

 

 

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